lien vers l'accueilLe cynique au cœur pur

Droits réservés à la Cinémathèque suisse

On a toujours voulu le voir en monstre. Quand il ne faisait plus rire, il faisait peur. Même mort, il dérangeait. Le cardinal Marty lui refusa des funérailles religieuses. Mais Giscard, à l'époque Président de la République intervÎnt efficacement. Las, ce 4 juin 1975, ils ne furent que dix à le suivre. Il y avait Mocky, Carné, Serrault…son fils, ses petites filles et quelques prostituées qui, par respect, avaient préféré se regrouper à la sortie du lieu sacré.

Toute sa vie, il fut un homme à femmes de bonne ou de mauvaise vie. Et, il se maria pour la première fois un 22 juillet 1916 pour divorcer trois ans plus tard d'Yvonne Ryter. Simon eut aussi trois amours passionnés et platoniques pour Colette, Ludmilla Pitoëff et Joséphine Baker.

Ami des clochards, anarchiste et antimilitariste, ce briseur de rêves, ce désabusé de la nature, tint son plus beau rôle dans la vie en nourrissant chacun de ses personnages de son monde picaresque et pittoresque. Lui-même disait " Je suis un acteur d'instinct ", car il savait et pouvait tout jouer. Son physique hors norme et sa personnalité peu commune l'aidèrent à ne jamais se fondre dans un moule. Ses amours frustrés, ratés, inexistants, ne faisaient qu'exacerber l'aspect poignant de son personnage au cinéma. Simon, c'est un film dans le film. Il se donne à fond et peut dès lors devenir ce qu'il souhaite, infantile ou gâteux, comique ou morose. S'il est profondément humain, c'est parce qu'il a aussi une dimension bestiale. Il est doux et brusque, étranger aux conventions comme un animal.

Son physique peu banal, le timbre de sa voix aussi très particulier, ainsi qu'une mobilité extraordinaire de son visage, sont des atouts supplémentaires. Il use sans parcimonie de ce visage " pâte à modeler ". Même dans des rôles de routine, il est dynamisé par son instabilité car on craint toujours que sa bienveillance ne dégénère en délire. Le génie de Michel Simon tient de la schizophrénie, d'où son exagération, son incontrôlabilité. Acteur qui ne cesse de dépasser les limites convenables d'un rôle, il a quelque chose d'un agité du bocal. Mélangeant son art et sa vie, il est impossible de comprendre le comédien si l'on ne fait pas l'effort d'entrer dans son existence. Son apparition déclenchait les passions les plus opposées : on l'adorait ou on le détestait.

Droits réservés à la Cinémathèque suisse, Michel Simon entouré de Michelle Morgan, Marcel Carné et Dany Saval.

Ce qui est sûr c'est que Michel Simon ne laissait jamais indifférent. Dans " Quai des Brumes ", Simon-Zabel hurlait à la face de Pierre-Brasseur "Je voudrais qu'on m'aime ! " Michel Simon, acteur ou simplement homme, ne voulait en effet, qu'une seule chose : qu'on l'aime !

Une femme, la seule peut-être, l'a deviné parce que "lui, dont le langage est des plus verts, dont les amours, qu'il ne cache pas, vont aux prostituées, prend un soin extrême à préserver mes candeurs. Ce cynique avait le cœur le plus pur que j'aie jamais approché ".

Cette femme s'appelle Michèle Morgan.

©copyright Brigitte CHENEVIER webmaster