Il est rare de voir un artiste jouer de sa laideur, car c'est plutôt la beauté qui d'ordinaire fait le succès de nos vedettes. C'est pourtant la laideur de son visage qui caractérise Michel Simon, et il l'accentue en se donnait un air hébété, niais, grotesque, presque idiot. Mais il ne faut pas se fier à son attitude, car Michel Simon n'est pas bête mais il est surtout très intelligent : il a su jouer de sa particularité physique, en y faisant son principal atout. Il sait se faire une tête, utiliser les ressources comiques dont il dispose, car il n'a pas qu'un physique peu banal mais aussi une voix nonchalante, parfois pâteuse, une diction toujours expressive. Son premier grand succès remonte déjà à quelques années. C'est dans Jean de la Lune qu'il se révéla et l'on sait que le succès mémorable de cette comédie est en partie dû à son talent.
Lorsqu'il ne travaille pas, il se repose dans sa maison de banlieue, où il mène une vie particulière, bien à lui. Il y vit dans un beau jardin, près d'une volière remplie d'oiseaux rares, et en curieuse compagnie d'un singe et d'une guenon, qui l'amusent par leurs démarches et leurs grimaces. Mais ce n'est pas tout : y résident également une douzaine de chats et un saint-bernard imposant. Enfin, à la belle saison, une famille d'hirondelles a pénétré carrément dans l'intimité de Michel Simon et elle a fait son nid à l'intérieur de la maison, dans un cabinet de débarras.
Quand on lui demande de parler de ses rôles, il se met immédiatement à parler de ses singes : " On dit que les singes meurent de tuberculose sous notre climat, déclare -t- il, c'est là encore une légende qu'il faut détruire ; ces bêtes s'acclimatent admirablement dans notre pays. Certes, il leur faut des chambres pourvues de chauffage central, où elles peuvent se retirer quand le cœur leur en dit, mais l'hiver, il m'est arrivé d'ouvrir la cage dans le jardin, sur la neige, et les singes allaient y faire un tour ".
Il pense que les bêtes ont une influence sur les hommes et il raconte très sérieusement qu'ayant possédé une collection de poissons, à ce moment il vécut le moment le plus difficile de son existence, et ce n'est que lorsque le dernier de la collection eu disparu que Michel Simon signa un contrat avantageux qui le tira de ses ennuis.
Quand on aborde le sujet de ses films il se montre assez réticent, car, à l'entendre, il n'y a que deux films dont il est satisfait : Jean de la Lune et La Chienne. Cependant il aime son métier dont il n'est surtout pas esclave. Michel Simon s'investit toujours à deux cent pour cent dans ses rôles, mais cela ne lui porte pas toujours chance. Lorsqu'il jouait un clochard dans Belle Etoile, il s'était habillé de loques fort pittoresques et il avait un aspect assez répugnant. Après la dernière scène, il monta dans sa voiture, vers trois heures du matin, pour rentrer chez lui. Quelques mètres plus loin, des agents l'arrêtèrent.
Mais il a du montrer ses papiers pour ne pas aller coucher au poste. Voilà jusqu'où peut vous mener l'art de grimer !